L’Inde ne vous rend jamais tout à fait le même

Mon séjour dans l’Himalaya — récit de Vanda Lucie Emilia

Je croyais connaître le voyage.
J’ai grandi en bougeant beaucoup avec mes parents. Huit voyages, huit pays, plein de souvenirs. Je pensais avoir déjà vu assez de diversité pour comprendre comment le monde fonctionne.

Et puis je suis partie en Inde.

Pas dans une grande ville, pas dans un endroit touristique.
Non, dans l’Himalaya, chez une famille de village, dans un quotidien simple et puissant à la fois. Et en quelques jours, j’ai compris une phrase que j’avais entendue mais jamais ressentie :

“L’Inde est un beau pays, très intense, dont on ne revient pas en étant tout à fait le même.”

Je suis partie avec ma classe de l’Institution des Chartreux à Lyon, accompagnée de nos professeures Cathy et Séverine, dans le cadre du “Youth Awareness Program – Creating Links with India” organisé par L’Association Frehindi. Le thème était la reverse innovation : ce que le monde peut apprendre de l’Inde, surtout en matière de vie durable et de circularité.

Je savais que je découvrirais quelque chose.
Je ne savais pas que ce serait une pile de feuilles, un abri pour buffles, et du fumier de vache qui allaient tout changer dans ma tête.

Le jour où j’ai compris la circularité avec… des feuilles mortes

Tout a commencé par une tâche très simple : aller collecter des feuilles mortes dans la forêt.
Honnêtement, je pensais que c’était une activité symbolique pour nous “montrer la nature”. On a rempli des paniers entiers de feuilles sèches, puis on les a déposées dans l’étable, en guise de “lit” pour les vaches et les buffles.

Je n’ai pas tout compris. Pourquoi des feuilles ? Pourquoi pas un matériau plus pratique ?

Trois jours plus tard, j’ai eu ma réponse.

Les feuilles n’étaient plus des feuilles.
Elles s’étaient transformées, écrasées, humidifiées, mélangées à la chaleur animale. Le “lit de feuilles” était devenu une matière sombre, dense, presque comme un compost naturel.

Notre famille d’accueil nous a alors dit :
“Maintenant, mettez ça dans ces sacs en jute. C’est pour le potager.”

Nous avons ensuite porté les sacs sur des terrasses cultivées, où poussaient des aubergines, des tomates, des brinjals. On a étalé le compost à la main, et arrosé la terre.

Le soir même, on a mangé les légumes de ces mêmes champs.

Et là… tout a pris sens :

Forêt Feuilles Litière Compost Terre Légumes Repas Vie.
Une boucle parfaite.
Aucun gaspillage.
Aucune machine.
Aucune chimie.

 

Juste de la logique, de la patience, et un respect profond pour ce que la nature sait déjà faire.

Je crois que c’est à ce moment précis que j’ai ressenti un déclic.
En France, on parle beaucoup d’écologie, de recyclage, de systèmes, de normes. Ici, dans les villages de l’Himalaya, la durabilité n’était pas un concept.
C’était simplement la vie quotidienne.

Ce que la montagne m’a murmuré

Cette expérience m’a appris quelque chose de très important :
le durable n’est pas toujours une question de technologie.
Parfois, c’est une question d’intelligence simple.

Dans l’Himalaya :

  • rien n’est jeté inutilement,
  • tout est réutilisé,
  • on fait avec ce qu’on a,
  • on vit avec ce que la nature offre.

J’ai vu du riz de la veille transformé en un nouveau plat.
J’ai vu une maison entière vivre avec une petite installation solaire.
J’ai vu une fabrique de confitures sans machines lourdes ni pollution.
J’ai vu des gens heureux, moins stressés, plus proches de la terre.

Je ne dis pas que tout est facile là-bas.
Mais il y a une harmonie que j’ai rarement ressentie ailleurs.

Et c’est ça, la reverse innovation :
réaliser que les solutions que l’Occident cherche depuis des années existent déjà dans des villages indiens, transmises de génération en génération.

Deux mondes, une même envie d’apprendre

En France, notre société est organisée autour de systèmes très précis :
processus, machines, règles, horaires, contrôles.
C’est efficace, mais parfois déconnecté du réel.

Dans l’Himalaya, rien n’est parfaitement carré.
On improvise.
On adapte.
On s’arrange.
Et malgré ça — ou peut-être grâce à ça — la vie continue avec beaucoup de sens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai réalisé que la simplicité est aussi une forme d’intelligence.
Et que l’innovation n’a pas toujours besoin d’être high-tech.
Elle peut être vivante, humble, manuelle.

J’ai senti qu’il y avait un équilibre à trouver entre les deux mondes.
Un dialogue possible.
Un échange.

L’Inde, un pays qu’on n’aura jamais fini d’explorer

À la fin du séjour, une phrase m’est venue naturellement :
“Une vie n’est pas suffisante pour connaître l’Inde.”

Ce pays est immense, complexe, fascinant.
On y apprend quelque chose à chaque coin de rue, chaque conversation, chaque geste simple.

En seulement quelques jours, l’Himalaya m’a donné une leçon de vie que je n’oublierai jamais :
on peut créer beaucoup avec très peu.
On peut vivre pleinement sans détruire.
On peut avancer autrement.

J’ai envie de revenir.
Peut-être plusieurs fois.
Parce que je sens que ce pays m’a réveillée, m’a ouverte, m’a un peu transformée.

Et pour ça, je veux dire merci.

Merci à L’Association Frehindi pour cette opportunité unique.
Merci à nos professeures Cathy et Séverine pour leur bienveillance.
Merci à la famille qui nous a accueillis comme leurs propres enfants.
Merci à cette montagne qui m’a appris la circularité avec des feuilles mortes et du fumier.

Je repars avec le cœur un peu plus large.
Et l’esprit plus clair.

L’Inde m’a changée.
Et je sais que j’y reviendrai.

Vanda Lucie Emilia
Classe : Terminale
Établissement : Institution des Chartreux, Lyon

 

 

Tags :

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *